Que serait un bon manager dans le cadre d'une démarche libérée ?
"Serait un bon manager celui qui tente de répondre authentiquement aux trois besoins psychologiques de chaque être humain : inclusion, développement personnel et autonomie », répond à cette question Laurent Ledoux, directeur de l’association Philo&Management et partenaires de Phusis (voir son interview sur l'entreprise collaborative).
- L’inclusion implique de la part du manager un respect des autres, une volonté de les considérer comme intrinsèquement égaux. « Ce qui ne signifie pas qu’ils aient les mêmes compétences. il faut au contraire des compétences diverses et complémentaires pour que l’équipe marche. Il ne faut pas partir du principe qu’il y a des gens en-dessous de moi qui sont moins que moi, qui comprennent moins que moi, dont la valeur des idées est moindre que la mienne. Non : on a des complémentarités et on essaie d’intégrer tout cela. »
- Au développement personnel des collaborateurs répond, du côté managérial, le soin apporté aux autres. « C’est se dire cela me fait plaisir de savoir que les gens grandissent en tant que personnes en travaillant dans mon entreprise. »
- Le pendant de l’autonomie, c’est la confiance. « La confiance n’est pas évidente, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut mettre en place des initiatives qui font que les gens vont se sentir en confiance. C’est un processus assez long et difficile. Comment aussi amener les gens à avoir confiance en eux, en leurs capacités, tout en étant conscients de leurs propres faiblesses pour lesquelles ils doivent demander de l’aide permettant d’assurer la qualité nécessaire des services et produits fournis. Tout cela est difficile. »
Laurent Ledoux conclut : « La bienveillance doit être combinée à l’exigence : la bienveillance authentique inclut dans une certaine mesure une exigence de qualité, de développement et de dépassement de soi et de l’autre. »
Phusis, une entreprise pas comme les autres
Laurent Ledoux a créé Phusis avec trois autres experts en matière d’entreprise libérée : Robert Collart (ancien directeur Transformation de Poult), Yannick Bollati (qui a travaillé chez CapCo et IBM) et Martin Mahaux (docteur en co-création).
Phusis est une coopérative de managers et d'experts de la transformation de grandes sociétés désirant mettre leur organisation sur le chemin de la collaboration, de la responsabilisation, de la liberté et de l'agilité. Ce n’est donc pas stricto sensu une entreprise de conseil : elle accompagne et met son expérience à disposition. Elle n’a pas de méthodologie toute prête qu’elle vient dérouler : elle aide les entreprises à mettre en place leur propre approche, basée sur leur héritage humain et leur culture propre.
« C’est pour cela que nous ne pouvons pas faire de démarche commerciale pour vendre ce genre de management à des gens qui n’y sont pas déjà sensibilisés. En fait notre seule façon de procéder est presque d’attendre d’être contactés par des gens qui sont déjà interpellés par ce type de démarche, qui ont lu les ouvrages d’Isaac Getz (notamment ‘L'Entreprise libérée’) ou Frédéric Laloux (et son fameux ‘Reinventing Organizations : Vers des communautés de travail inspirées’) et qui demandent d’être accompagnés dans la démarche. »
C’est en effet la première condition : « s’il n’y a pas une réelle volonté du top management d’aller dans cette direction-là, il vaut mieux ne pas commencer. A la première bourrasque, le management non convaincu va revenir à ses modes de fonctionnement antérieurs, de contrôle, et l’on n’aura créé à nouveau que du cynisme et fait probablement plus de dégâts que si l’on n’avait rien initié. »
Laurent Ledoux nuance cependant : « Il ne faut pas que tout le top management soit convaincu, mais au moins que quelques-uns et surtout le ou la CEO soient convaincus qu’on ne peut plus procéder autrement, qu’on doit aller dans cette nouvelle direction. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent devenir révolutionnaires : la complexité croissante des business et les problèmes actuels d’engagement du personnel sont tels qu’il faut simplement changer de modèle. Ils sont prêts à s’y investir et faire le premier pas eux-mêmes. Cela nécessite un changement personnel de rapport au pouvoir, impliquant une certaine forme de lâcher-prise, de confiance a priori vis-à-vis des gens, une volonté de réellement contribuer à leur développement et à les inclure, et ne plus croire que la volonté de quelques-uns est plus efficace ou plus intelligente que la participation aux décisions de l’ensemble du groupe. »
A lire : « Bâtir une organisation collaborative : Activez les leviers de la transformation ! »
Avec Michal Benedick, coach, consultante et formatrice en communication, qui anime notamment le blog toutestdanslacom.com, Robert Collart, partenaire de Laurent Ledoux dans Phusis, a écrit le livre Bâtir une organisation collaborative : Activez les leviers de la transformation !
Robert Collart a deux casquettes : détenteur d’un master en psychologie et un en gestion des ressources humaines. Il est également diplômé de l'université des Sciences Appliquées de Jyväskylä (Finlande) en Team Entrepreneuriat Coaching. Il a accompagné le Groupe Poult dans sa transformation managériale depuis 2005.
L’ouvrage accompagne celles et ceux qui ressentent le besoin de changer leur organisation, casser les silos et les hiérarchies traditionnelles, réinventer le travail avec des pratiques managériales collaboratives et des relations entre pairs. Cela pour devenir collectivement plus agiles face à un monde totalement disruptif, en bute à de très importants bouleversements technologiques.
Le livre apprend au dirigeant à adopter la bonne posture : connaissance de soi, remise en question, lâcher-prise, humilité, authenticité, exemplarité. Il donne des pistes pour associer tous les acteurs de l'organisation à l’aventure humaine que représente le chemin vers le collaboratif, pour imaginer le modèle d'organisation qui convient le mieux à la personnalité du manager et à la culture de l’organisation, et enfin pour envisager la collaboration au-delà de l’organisation.
Très concret, l’ouvrage offre des outils pour passer à l'action : par exemple le co-leadership tournant, le processus de décision par consentement, la création d'écosystèmes rapprochés pour le recrutement des collaborateurs, l'animation de réunions vivantes et apprenantes.
Le lecteur peut également se laisser inspirer par des interviews, anecdotes, retours d'expérience et conseils de dirigeants d’entreprises comme Poult, GT Location, Teractem, Michelin, Airbus Saint-Nazaire, Orange ou Gore. Les analyses d'organisations ayant réussi leur transformation collaborative sont particulièrement inspirantes.
Ludique et très pratique, Bâtir une organisation collaborative est l'ouvrage à lire… avant se lancer dans la belle aventure.